Alla gar*
1février 20, 2013 par Laurent
C’est en effet en face de l’ancienne gare de la chaussée de Louvain que nous voudrions nous arrêter un instant pour réparer un oubli fâcheux.
Nous vous avions entretenus, dans un précédent billet, des vestiges de l’architecture grecque dans le quartier. Notre oubli est d’autant plus regrettable que la façade d’angle du monument auquel nous allons nous intéresser ici est absolument exceptionnelle : pas moins d’une demi-douzaine de statues grandeur nature surplombent l’observateur médusé.
Certes, à cette hauteur de la chaussée de Louvain, on est plus près de la place Saint-Josse que de la place Meiser (et, qui plus est, sur le territoire de la commune voisine), mais il y a bien une continuité à la fois historique, architecturale et géographique entre les quatre anciens temples évoqués précédemment et ce qui a toutes les apparences d’un ancien gymnase, comme en atteste la statue du discobole.
Dans les temps antiques, déjà, la pente douce dévalant d’une place à l’autre ne charriait pas seulement les eaux de ruissellement et les boues résiduaires : après avoir fait leurs dévotions successivement dans chacun de ces sanctuaires, les Anciens Grecs affluaient vers la palestre pour s’y adonner à la pratique de l’athlétisme, avant de suer abondamment dans les thermes adjacents en devisant gaiement et en se caressant les cuisses.
Véritable chef-d’œuvre de la statuaire grecque, la façade est donc rehaussée, à environ quatre mètres de hauteur, d’une série de six figures. On distingue de gauche à droite, le dieu Apollon, le discobole et le dieu Héraclès, portant une massue et serrant bien fort le Centaure entre ses jambes ; et de l’autre côté, Artémis chasseresse, David – une erreur de casting, manifestement : un Juif sculpté par un Italien – et un sujet non identifié.
Une pancarte de fortune nous apprend que l’ancien gymnase a été reconverti en taverne balkanique. L’entrée monumentale, encadrée de deux colonnes de style dorique dorées à la feuille, est surplombée de la couronne de laurier, attribut des héros du stade et ingrédient indispensable de la cuisine locale, ainsi que de la représentation d’un oiseau énigmatique. Il ne peut s’agir en tout cas du phénix : avec la législation en vigueur dans l’horeca, il aurait bien du mal à renaître de ses cendres.
Le tout forme un ensemble harmonieux d’une rare beauté, digne d’un classement au patrimoine mondial de l’Unesco. Ce dont les nouveaux tenanciers se fichent éperdument : « On a essayé d’enlever les statues, mais c’était trop risqué. Si c’est pour se prendre un discobole sur le coin de la figure et en plus se mettre à dos l’ARAU ou un comité de quartier… ».
À la carte : ragoût de berger (le chien, pas l’homme), marinades diverses et, bien sûr, les incontournables doubichous.
* Ouk elabon polin, alla gar elpis ephè kaka : ils ne prirent pas la ville, l’augure étant mauvaise.
erreur de casting lol ;)